top of page

Promenade-découverte de jardins urbains + Montréal houblonnière - 8 et 9 août



Expérimentations citoyennes


Le quartier Villeray regorge de projets citoyens qui permettent aux habitants de réaffirmer leur présence constitutive du monde commun. Je l’avais souligné brièvement dans mon texte sur l’intervention de Lysanne Picard à partir du questionnement sur la réappropriation collective des structures locales et des énergies collectives par les résidents du quartier.


Ce mois-ci, Espace Projet a choisi de scruter en détail les différentes applications de ces initiatives citoyennes à partir d’un des besoins fondamentaux de l’humain, celui de se nourrir. Pour la première journée de la première fin de semaine, la galerie, dont le mandat est également orienté sur les pratiques du design dans toutes ses variétés, a invité l’architecte paysagiste Ismael Hautecoeur à élaborer une promenade urbaine entre la Place de Castelnau et la galerie afin de visiter et d’apprendre davantage sur les jardins urbains qui pullulent dans le quartier.


Ces initiatives citoyennes qui permettent de réaligner l’expérience vécue d’un quartier autour d’un même projet social révèlent une tendance commune à sortir de l’aménagement programmé de la ville pour y infiltrer une présence toute particulière : celle d’un environnement collectif où l’autonomie qui y est mise de l’avant renouvèle l’esprit monotone de la ville. Ces jardins urbains sont le produit de rencontres citoyennes, de projets alternatifs et communautaires qui se développent au fil des implications variées.


Ainsi, du jardin collectif ou communautaire au jardin personnel expérimental, la balade urbaine élaborée par Ismael et Espace Projet nous a permis de dérailler dans la ville, parcourant ses détours les plus inusités, ses ruelles enchanteresses où les plantes qui y habitent révèlent des identités tout aussi variées que le sont les fruits et les légumes qui s’y trouvent.


Ce fut l’occasion d’en apprendre davantage sur différents projets agraires qui permettent d’intégrer des modes de gestion alternative à ce qui constitue notre environnement quotidien. À titre d’exemple, lorsque nous nous sommes promenés dans la ruelle entre les rues Saint-Denis, Berri, Villeray et Gounod, marquée par un nombre impressionnant d’arbres fruitiers non cultivés et de vignes, suggérant par là une analogie avec les jardins portugais, l’architecte paysagiste nous a indiqué que plusieurs logements se retrouvent aux prises avec des problèmes de guêpes dû au pourrissement des fruits non ramassés. Pour pallier à ce problème, l’organisme Les Fruits Défendus a créé un système de partage entre les propriétaires, les cueilleurs bénévoles et des organismes communautaires ciblés afin de réduire le gaspillage et de se réapproprier la nature urbaine. Ainsi, un tiers des fruits cueillis est partagé avec les cueilleurs, un tiers avec les propriétaires de l’immeuble et un autre tiers avec des organismes œuvrant en sécurité alimentaire.


À la fin du parcours, nous nous sommes arrêtés au jardin expérimental de Mme Lorraine Boisvenue, auteure du fameux Guide de la cuisine traditionnelle au Québec[1], dont les plantations se distinguent par la taille impressionnante des plantes en pot et par les variétés étonnantes qui s’y trouvent. J’y ai appris l’existence de la tomate bleuet, de la taille et de la couleur du même fruit et dont le goût hybride rappelle celui de la tomate cerise mêlée avec celui du bleuet. Véritable bible de l’agriculture patrimoniale, Mme Boisvenue nous a démontré toute la pertinence de s’approprier le contexte de la ville à des fins d’expérimentation politique, au-delà de son aménagement contrôlé. L’agriculture urbaine est une occasion de s’arrêter dans les parcours de la ville, d’y instaurer des détours fondamentaux afin d’agrémenter les contextes de vie individuelle et collective.



Montréal Houblonnière, deuxième jour


Montréal Houblonnière n’est pas qu’un simple organisme axé sur la culture du houblon en vue de rassasier notre soif de fête. Bien plus encore, ce projet brassicole prône le verdissement urbain par la culture du houblon sauvage dans la métropole dans le but de réduire les îlots de chaleur et ainsi agir comme une force collective de verdissement urbain.


Mathieu Garceau-Tremblay, Maxime Dufresne Gagnon et Élise Gaudry se sont prêtés à un magnifique tour de force en réunissant quantité d’énergies et de passion personnelles et collectives afin d’élaborer un projet citoyen qui mise grand. Non seulement l’organisme facilite l’approvisionnement de plants et de rhizomes de houblon en milieu urbain, mais il offre également un système en bac d’agriculture urbaine pour ceux qui n’ont pas accès au sol. Son mandat est large et les résultats sont plus que probants. Pour 2017, dans le cadre du 375e anniversaire de la ville de Montréal, les trois co-fondateurs veulent répertorier l’ensemble des cultures de houblon sauvage sur le territoire métropolitain et en permettre la culture afin de créer des bières de quartier. Chaque quartier aura ainsi sa bière en son nom. Mais pour y arriver, ils misent sur l’implication bénévole des citoyens. Pour contribuer à ce projet d’envergure, visitez leur site Internet!


Une autre démonstration que le quartier Villeray regorge d’initiatives citoyennes qui visent à transformer, collectivement, les paramètres de la ville. Faire de l’environnement urbain un espace de vie où chacun contribue à son épanouissement et donc, à une intégration hors des limites prescrites de l’aménagement urbain.


À la fin de la rencontre, nous avons eu droit à un tour personnalisé du laboratoire brassicole de la Brasserie Harricana, située à l’angle des rue Jean-Talon et Saint-Urbain où Mathieu Garceau-Tremblay y fait office de maître-brasseur et de co-propriétaire. Nous avons également pu y déguster l’une de ses dernières créations, la 26... Aucun mot ne saurait décrire la petite joie qui a rempli nos papilles gustatives! Il faut y aller pour y croire… Inutile de vous dire que j’y suis resté un peu plus longtemps pour déguster les autres bières québécoises qui y sont servies!


Une fin de semaine qui entame bien la mouture culinaire et agraire de la programmation d’Espace projet et qui nous démontre toutes les sources et ressources qui foisonnent dans ce quartier où l’appropriation citoyenne n’est pas qu’un simple concept, mais bien une pratique généralisée à l’ensemble de la vie urbain.




[1] Lorraine Boisvenue, Le guide de la cuisine traditionnelle québécoise, Montréal, Québec loisir, 1981, 327 p.



bottom of page